• Duel dans la chambre d'hôtel

    On tapa à la porte. Son cœur explosa. C’était lui. C’était lui. Antonio se rua sur la poignée et ouvrit en grand.

    Ce n’était pas lui. Une chose en particulier à propos de ce visiteur le frappa : son pied. Vendini fut propulsé en arrière et tomba lourdement sur la moquette. Combien de fois avait-il été bousculé, molesté, brutalisé, aujourd’hui ?

    — Personne n’attend l’inquisition espagnole, râla-t-il en se relevant. Sérieusement, je n’en peux plus, là.

    Avant qu’il ne puisse réagir, son assaillant se jeta sur lui et le fit basculer sur le lit. Le chevauchant, il lui coinça les poignets d’une seule main et dégaina une long poignard. Antonio lui donna un coup de genou dans les fesses et, se servant de l’élan, le fit passer de l’autre côté du matelas, puis il bondit, attrapa son pistolet et alluma la lumière.

    Il valait mieux éliminer cet agresseur d’une balle. Le gangster était trop épuisé, trop affaibili pour être en mesure de remporter cette empoignade. Tant pis pour la discrétion. Il ôta le cran de sûreté et tendit l’arme. L’attaquant reparut, se dressant de toute sa hauteur. Svelte, frôlant sûrement le mètre quatre-vingt, de grands yeux marron-vert, une petite mâchoire, la figure maquillée, les hanches arrondies…

    — Encore une femme ? lâcha Antonio. Vraiment ?!

    Profitant de son désarroi, elle lança sa dague, qui se révéla être un saï. La garde de la lame attrapa le poignet de Vendini et le cloua au mur, le forçant à lâcher son Heckler & Koch.

    — Putain de ninja !

    En une seconde elle fut sur lui et lui enfonça son poing dans l’abdomen, exactement là où Calvin l’avait frappé. Étourdi, il balança son bras encore libre pour se défendre et heurta le cou de son opposante. Elle tituba, attrapa la lampe de bureau et l’abattit comme une massue, la brisant complètement. Vendini esquiva de justesse, mais glissa et trébucha, libérant son poignet dans la chute. La ninja bondit sur son dos et l’envoya se cogner la tête contre l’angle plus proche. Il se prit le crâne à deux mains en poussant un cri de douleur.

    Sa seule chance de s’en sortir était son pistolet. Il se propulsa en arrière et encastra l’agresseuse dans l’armoire. La porte du meuble vola en éclats dans un fracas terrible.

    Antonio chancelait. Son corps entier se consumait dans la souffrance, il n’arrivait pas à aligner deux pensées et sa respiration se saccadait. Son pied peu assuré buta contre l’arme à feu et la fit glisser sous le lit.

    Six secondes.

    Il avait juste besoin de six secondes pour se remettre d’aplomb. Il se retourna. Son regard croisa celui de la femme. D’un commun accord, ils s’octroyèrent un temps de répit.

    Un.

    Où était ce fichu pistolet ?

    Deux.

    Il ne pourrait pas mettre la main dessus à temps.

    Trois.

    Tout serait fini d’une balle.

    Quatre.

    De toute façon avec le vacarme qu’ils avaient causé, tous les clients de l’hôtel étaient certainement réveillés.

    Cinq.

    Il sentit le manche du couteau-papillon dans sa poche.

    Six.

    Vendini le déplia d’un geste vif et passa à l’attaque. La ninja bondit la première et, d’un mouvement félin, décrocha le saï du mur. Les deux lames s’entrechoquèrent. Antonio céda le premier. La garde tranchante du saï déchira son t-shirt, lui taillada le torse. Il posa un genou à terre, enfonça sa dague de moitié dans la cuisse de son adversaire. Elle cria, le repoussa d’un direct du droit dans l’œil, ce qui acheva de faire s’écrouler le criminel ambitieux.

    Poussant un nouveau gémissement, elle arracha le balisong de sa jambe et le jeta à travers la pièce. À terre, Antonio aperçut son pistolet à portée de main. La femme allait l’achever en un quart de seconde, il n’aurait pas le temps de tirer, mais c’était la seule chance qu’il lui restait.

    Elle leva son bras.

    Il étira le sien sous le sommier.

    Elle l’abattit.

    Il empoigna l’arme et la braqua.

    Jack apparut soudain, tira la tueuse en arrière et la jeta dans le couloir. Vendini se remit sur ses pieds et accourut, juste pour trébucher sur son Fidèle Bras Droit qui était étalé dans l’encadrement, couvrant son entre-jambe à deux mains.

    La ninja, les dents serrées, le foudroya du regard, et prit la fuite. Pendant ce temps, une dizaine de voisins en pyjama observait la scène avec des yeux ronds comme des soucoupes. Antonio enjamba son ami et s’élança à la poursuite de la femme. Elle avait beau boiter, elle cavalait plutôt vite ! Malgré les taches de sang, il perdit sa trace en quelques secondes à peine. Dépité, il réarma le cran de sûreté et revint sur ses pas.

    Jack commençait seulement à essayer de se relever.

    — Merci pour le Jack Ex Machina, fit Vendini en se grattant la nuque à l’aide du canon.

    — Profite… profite… parce que c’est moi qui vais te tuer, après…

    — Allons bon. Dites, vous pourriez retourner vous coucher ? lança-t-il à la cantonade. C’est très désagréable de se faire espionner comme ça ! Bordel on ne peut plus lutter avec un assassin sans se faire épier par quarante-douze curieux, de nos jours… Pauvre pauvre démocratie… Ça te dérange si je me pieute chez toi, ce soir ?

    — Je te préviens, je prends le côté gauche.

    — Ha ha ha, non, tu prends le canapé.