• LE SECRET DES THÉIÈRE-GONTHIER

    Le célèbre artiste Charles-Gontran de la Théière-Gonthier s'est fait dérober un objet qui pourrait menacer sa carrière. C'est à Vendini et Martha de retrouver le voleur. Il semblerait toutefois qu'une autre personne soit sur la piste…

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    Chapitre 1

    Chapitre 2

    Chapitre 3

    Chapitre 4

    Chapitre 5

    Chapitre 6

    Chapitre 7

     

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    Chapitre 1 : Charles-Gontran de la Théière-Gonthier

    Où l'on subit la prestance des grands artistes.

     

    Antonio Vendini, 32 ans, criminel ambitieux, et Ivannea Merkachvili, dite Martha, 29 ans, aspirante criminelle, furent reçus dans l’immense hall d’entrée de l’immense manoir de Charles-Gontran de la Théière-Gonthier.

    Les murs en contreplaqué étaient décorés d’autoportraits du maître des lieux à la gouache, à l’aquarelle, à l’acrylique, au fusain, à la craie, au pastel… Si l’adage selon lequel il fallait d’abord s’aimer soi-même pour aimer les autres était vrai, alors Charles-Gontran de la Théière était assurément un fabuleux philanthrope.

    Martha, qui était quelque peu versée dans l’art de l’art, inspectait distraitement les toiles, tandis que Vendini imaginait le contexte qui avait amené leur auteur à se faire de si nombreuses déclarations d’amour.

    — Et précisément… qu’est-ce qu’on fiche ici ?

    — On attend le “Maître”, Martha.

    — Le Maître ?

    — Il me semblait que c’était comme ça qu’on nommait les grands artistes.

    — Les artistes-peintres, peut-être. Lui, c’est un artiste-pitre. Non, sérieusement, qu’est-ce qu’on fiche ici ?

    — On postule à une offre d’emploi, mon impatiente amie. Le Maître nous a conviés en son manoir pour nous proposer un contrat.

    — Un contrat ? Un contrat de quoi ?

    — Aucune idée, c’est pour ça qu’on est là.

    — Votre curiosité défie les limites du réel.

    Ils entendirent une porte s’ouvrir à l’étage, puis des bruits de pas. Un majordome, droit, sans personnalité, parut dans l’escalier droit, sans personnalité non plus.

    — Veuillez m’accompagner, geignit-il. L’interview du Maître est bientôt terminée, il va vous recevoir.

    — Ah, vous voyez qu’il faut l’appeler Maître.

    — Bla bla bla…

     

    Le cabinet de Charles-Gontran de la Théière-Gonthier était plongé dans la pénombre, seulement éclairé par les rais du soleil au travers des volets mi-clos et par un feu de bois dans l’âtre de la cheminée. Un coup d’œil plus poussé permit à Vendini de s’apercevoir qu’il s’agissait en fait d’une vidéo de flammes crépitantes diffusée sur un écran plasma de très haute définition.

    Lové dans un fauteuil démesuré, le Maître était en pleine réflexion. L’équipe de trois journalistes était pendue à ses lèvres comme des paresseux à leur branche, et buvait chacun de ses mots comme la délectable rosée du matin.

    Martha examinait les lieux sans trop cacher sa curiosité. Les étagères étaient remplies non pas de livres mais de liseuses et autres tablettes numériques dont chacune était étiquetée du titre d’un ouvrage, écrit bien entendu par Charles-Gontran ou bien l’un des membres de son illustre lignée, tels sa mère Bérénice-Constantine ou son frère cadet Alexis-Benoît.

    En effet, les Théière-Gonthier était une famille d’artistes à l’ascendance renommée. Avant-gardiste, bien-pensant, chargé de la divine mission de critiquer les conditions de vie atroces de la plèbe, croulant sous le fardeau de devoir se nourrir de caviar jusqu’à l’extinction de son patronyme, Charles-Gontran faisait honneur à son parentage. Il n’aimait pas le beau, mais le sublime. Il ne pensait pas, il créait. Il ne vivait pas, il était maudit par la naissance.

    — Connard prétentieux, soupira Martha.

    — Merci encore de nous avoir accordé un peu de votre précieux temps, Maître ! clamèrent de concert les journalistes, qui se retirèrent non sans exécuter d’interminables courbettes et maintes révérences.

    On ne tournait jamais le dos au Maître. Jamais. Ils le savaient et s’en préoccupaient. Le majordome leur ouvrit la porte et la referma dès qu’ils furent tous passés à reculons. Néanmoins, Charles-Gontran de la Théière-Gonthier ne daigna adresser la parole à ses nouveaux invités que lorsqu’il entendit le fracas de la chute des journalistes dans l’escalier.

    — Monsieur Verdini, c’est bien cela ?

    On ne contredisait jamais le Maître. Jamais. Antonio le savait et n’en avait rien à faire.

    — Vendini. Antonio Vendini. 32 ans. Criminel ambitieux.

    Théière-Gonthier esquissa une grimace.

    Il était drôlement attifé. Un chapeau rouge orné d’une plume et penché sur le côté, une paire de lunettes teintées, une écharpe lâche, un poncho orangé, des gants, une chemise et un pantalon de flanelle et des bottines de cuir serrées.

    — Asseyez-vous, Monsieur Verdini.

    Il insistait, le bougre. Ne désirant pas s’insérer dans un jeu de pouvoir avec son potentiel futur client, Vendini laissa couler et prit place sur le tabouret en face du Maître.

    — Vous pouvez nous laisser, Sigismond.

    Le majordome se retira à son tour, très cérémoniellement.

    — Vous devriez également congédier votre servante. Je tiens à ce que notre conversation reste secrète.

    — Sa servante ? grinça Martha. Ok, j’en ai déjà marre.

    — Martha, calmez-vous… tempéra Vendini.

    — Laissez-moi deux minutes avec cet empaffé et vous allez voir qui sera la servante.

    — Nous savons déjà qui est la servante. Martha ne partira pas, Maître. Si vous voulez parler, vous devrez le faire en sa présence.

    Théière-Gonthier grimaça derechef.

    — C’est un outrage…

    — En même temps, vous invitez un gangster notoire dans votre baraque. Vous vous attendiez à quoi ? Rentrons dans le vif du sujet, voulez-vous. Votre temps doit être précieux.

    — Vous avez raison. J’ai déjà eu dix-sept idées pour mon prochain tableau rien qu’en vous voyant, vous et votre servante.

    — Ok, je vais le tuer, fit Martha en se craquant les jointures des doigts.

    — Exposez vite vos besoins, Maître. J’ai appris à mes dépens à ne pas me mettre sur le chemin de Martha, et je ne compte certainement pas le faire pour vous. Donc ?

    — Monsieur Verdini, vous n’êtes pas sans savoir que la famille des Théière-Gonthier détient une place éminente dans le cercle des grands artistes des temps modernes. Beaucoup d’individus sont jaloux du succès de ma famille et n’hésiteraient pas à nous nuire. J’ai moi-même déjà eu affaire à des insatisfaits qui souhaitaient me détruire par de la simple diffamation ou d’autres tentatives tout aussi exécrables. Mais aujourd’hui, il semblerait que l’un d’entre eux soit parvenu plus loin que tout autre. Récemment, j’ai été cambriolé, et l’on m’a dérobé un objet que l’on pourrait qualifier de…

    — Compromettant ?

    — C’est le mot. Au-delà de la valeur fiduciaire et sentimentale de cet objet, sa révélation au grand public pourrait mettre un terme à ma carrière et ternir définitivement l’image des Théière-Gonthier.

    — On vous l’aurait volé pour vous faire chanter ?

    — C’est la seule chose qui m’a été subtilisée, et elle était cachée dans un endroit dont peu de personnes connaissaient l’existence.

    — Vous voulez que je cherche qui a vendu la mèche ?

    — Non. Grâce au réseau de ma talentueuse famille, le coupable a déjà payé le prix de sa trahison, et je sais aussi que le voleur se terre dans la ville de Baerts.

    — Baerts ? Mais c’est à l’autre bout du pays.

    — Justement. Sigismond !

    Le rigide Sigismond reparut, un plateau d’argent dans les mains sur lequel il y avait une mallette fermée.

    — Dans cette valise, vous trouverez deux billets de train pour Baerts et la moitié de la récompense. Vous aurez l’autre moitié une fois le travail accompli.

    — Quel travail, exactement ? On n’est pas détectives.

    — Je veux que vous retrouviez l’objet qui m’a été dérobé et que vous éliminiez le voleur et tous ceux à qui il aurait pu s’adresser. Et je ne veux aucune indiscrétion sur ma propriété.

    — Ça, ça vous coûtera un petit supplément, Maître. Combien il y a dans la mallette ?

    — Quinze mille dollars pour commencer.

    — Ça fait un total de trente mille, plus la rallonge, disons dix mille de plus. Donc quarante mille en tout. Et avec tout ça j’ai même pas de quoi acheter l’une de vos toiles.

    Antonio se leva.

    — Je vous demande de faire cela dans la plus grande discrétion, Monsieur Verdini.

    — Évidemment. Dézinguer cinquante personnes, ça se fait sans bruit, c’est bien connu.

    — Votre réputation a dû être exagérée, c’est fâcheux.

    — Ah non ! Je ne tomberai pas dans le panneau de la crise d’orgueil.

    — C’est pour cela que j’ai fait en sorte que vous ayez une petite… comment dire… une petite stimulation. Rien de bien méchant, juste de quoi vous motiver à faire ce que je vous dis comme je vous le dis.

    Le ton et le sourire avec lesquels il annonça cela inquiétèrent Martha, qui se doutait que Charles-Gontran de la Théière-Gonthier avait un atout dans sa manche. Un atout qu’ils n’apprécieraient pas. Vendini, lui, n’était pas tombé dans le panneau ; il avait sauté dedans à pieds joints.

    — Vous allez voir si j’ai besoin d’une motivation ! Préparez le reste de la récompense, car nous serons de retour dans deux jours ! Avec votre jouet et la tête de votre voleur ! Venez, Martha. Allons préparer nos affaires, nous avons un train à prendre.

     

    SOMMAIRE

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    Chapitre 2 : Bienvenue à Baerts

    Où les villes fantômes existent vraiment.

     

    À leur arrivée à la gare de Baerts, Antonio et Martha étaient convaincus que Charles-Gontran, au-delà d’être méprisant, cherchait à leur nuire.

    Déjà parce que plus de 4500km séparaient Sunset Bay, en Caroline du Sud, de Baerts, aux alentours de Seattle, et que c’était un trajet infaisable en train. Vendini s’était même étonné du peu de connaissance que le Maître avait du monde extérieur. Les Théière-Gonthier ne se mêlaient jamais des passions du peuple et se réservaient aux hautes sphères intellectuelles : bandes-dessinées, télévision et boissons chaudes instantanées étaient proscrites. Le duo avait par conséquent troqué ses billets de train contre des billets d’avion.

    Ensuite parce que le voyage de sept heures avait été éprouvant. Ils avaient eu droit à la totale. Enfants en sanglots, coups de pied dans le dos, fauteuils de devant allongés sur le ventre, et pour finir un atterrissage retardé de quarante-cinq minutes à cause de mauvaises conditions de vol.

    Enfin, depuis l’aéroport international de Seattle-Tacoma, il avait fallu prendre un train jusqu’à Baerts. Du départ à l’arrivée, Vendini avait déboursé une quantité astronomique d’argent pour “convaincre” les agents de sécurité de le laisser passer avec ses armes.

    Sous un ciel chargé de nuages gris, les rues de Baerts s’étendaient comme autant de racines noueuses et rachitiques. Les bâtiments étaient pour la plupart délabrés, en apparence abandonnés. Au bout de l’horizon se dressaient les silhouettes fantomatiques d’usines désertes, vides de toute activité depuis de nombreuses années.

    La délocalisation progressive des entreprises avait frappé la petite ville de plein fouet, et elle ne s’en était jamais vraiment remise. Les commerces qui s’installaient périclitaient en un rien de temps à cause des loyers excessifs et de la clientèle apathique. Il n’y avait presque plus d’enfants, juste des adultes plus ou moins âgés, déprimés, aigris, qui allaient de bar en bar en se remémorant avec nostalgie l’époque faste de Baerts. Aujourd’hui, plus personne ne passait par ici, pas même les chiens affamés ni les chats de gouttière.

    De fait, l’arrivée exceptionnelle de jeunes touristes tels que Martha et Antonio détonnait dans ce paysage lugubre.

    Ils déposèrent leurs bagages sur le parvis de la place de la gare, dans l’attente qu’un taxi passe les récupérer.

    — À votre avis, qu’est-ce qui va venir nous chercher ? Une voiture, ou une charrette ?

    — Je crois que ça sera rien, M’sieur Vendini. Regardez, y a personne. Plus désert que ça on peut pas.

    En effet, il n’y avait pas âme qui vive à cent mètres à la ronde, en-dehors de deux badauds désœuvrés qui discutaient devant une cabine téléphonique. Antonio dégaina son portable et chercha sur internet l’adresse de l’hôtel le plus proche. Il s’avéra qu’il n’y avait qu’un seul hôtel dans tout Baerts, baptisé « Hôtel de la Gare », et il se situait très logiquement… sur la Grand-Place, à deux kilomètres de là, en plein centre-ville.

    — Ils ont le sens de l’humour, à Baerts.

    — J’espère qu’ils auront de la place, on aurait dû être plus prévoyants.

    — Vous voulez rire ? C’est plus vivant dans un cimetière ! Dites, vous prenez ma valise, oui ?

    — Allons bon ! Et pourquoi donc ?

    — Bicoze, très chère, moi, je me charge de nous guider. Et puis, vous êtes mon assistante, vous avez oublié ? C’est le Maître qui l’a dit.

    — J’ai le sentiment que vous ne me lâcherez pas avec ça. Je suis pas votre bonne.

    Elle lui tourna le dos et partit avec sa propre valise sous le bras.

    — Euh, Martha… L’hôtel, c’est par là-bas, fit Vendini en indiquant une rue dans son dos.

    — Rien à faire. Débrouillez-vous tout seul.

    — Eh ben c’est ça ! Partez ! Laissez-moi ! Perdez-vous ! On verra bien qui regrettera sa décision !

    — Je n’en doute pas un instant.

     

    Suivant le GPS de son téléphone, Antonio s’égara dans le centre-ville et ne retrouva son chemin qu’après ce qui lui parut être une éternité. Au moins eut-il le temps de visiter les environs, et de s’apercevoir que l’un des deux hommes de la gare le suivait plus ou moins discrètement.

    Le comble de la honte fut de s’apercevoir que Martha avait non seulement rejoint l’hôtel avant lui, mais qu’elle avait même loué une chambre pour deux, avait pris un bain et avait terminé un roman de 200 pages à peine entamé trois heures plus tôt.

    — Vous vous êtes bien amusé ? lança-t-elle alors qu’elle se prélassait encore emmitouflée dans ses serviettes de bain.

    — Ha ha. Ha ha. Ha ha.

    — Boudez pas. Je vous ai fait un thé.

    — Trop aimable.

    — Il est possible qu’il soit froid.

    Antonio poussa un soupir, déposa sa valise, et alla aussitôt se poster devant la fenêtre.

    — Il n’y avait que des chambres à lit double ?

    — Ou a lit simple, mais il aurait fallu que l’un de nous dorme dans un canapé. Et vous connaissant, ça aurait été moi… donc voilà. Qu’est-ce que vous regardez dehors comme ça ? Il y a un problème ?

    — Ouais… J’ai l’impression que j’ai été suivi…

    — Par l’un des mecs qui discutaient devant la gare ? Moi aussi. Il n’était pas très discret.

    — Ils sont juste devant l’hôtel. Je n’aime pas ça. On sait qu’un bien d’une valeur inestimable est caché ici et comme par hasard, on se fait filer sitôt qu’on arrive.

    — Mais enfin, ils devraient avoir été avertis. Qu’ils sachent qui nous sommes, à quoi nous ressemblons… S’ils sont de mèche avec le voleur, pourquoi nous fileraient-ils plutôt que de simplement nous zigouiller ?

    — On le saura bien assez tôt. Habillez-vous, on va aller boire un verre.

     

    Antonio faisait partie de cette génération de gangsters qui étaient convaincus que le meilleur endroit pour glaner des informations sur le milieu était la brasserie locale. Partout où il allait, il visitait toujours bars et autres estaminets en premier lieu. Martha essayait quelque peu d’atténuer cette mauvaise manie car, au final, Vendini récoltait toujours plus d’ennuis que de bons tuyaux.

    Ayant déjà bien visité Baerts alors qu’il s’était perdu, le criminel ambitieux sut retourner sans problème à une grande place dont il avait remarqué la fontaine cernée de bancs en son centre. Et cette place était bordée d’une pléthore de cafés qui faisaient le bonheur des soiffards.

    Antonio arrêta son choix sur un établissement sobrement baptisé Le Temps Moderne. Il s’installa à une table en terrasse avec Martha, et attendit qu’un serveur vienne s’occuper d’eux. Un bref coup d’œil lui permit de voir que leurs espions s’étaient placés à une autre table non loin derrière. Ils faisaient semblaient de s’intéresser à la carte des boissons et discutaient fort pour cacher leurs intentions.

    — Alors, M’sieur Vendini, qu’est-ce qu’on cherche ? demanda Martha, se cachant à son tour derrière le menu plastifié.

    — Aucune idée. Des pistes.

    — Des pistes ? Quel genre de pistes ?

    — Des pistes… pistonnantes. On tend l’oreille, on observe, on analyse, et on paie le barman pour qu’il balance. Disparitions, décès récents… Faut juste rester attentif. Cambrioler un Théière-Gonthier, ce n’est pas rien, il y aura forcément des indiscrétions.

    — Pourquoi ? Je croyais que c’était pour le faire chanter.

    — Je fais confiance à mon instinct. Le maître-chanteur, s’il existe, n’est pas venu commettre le vol lui-même. Il a envoyé un subalterne ou, plus vraisemblablement, il a engagé un bouc-émissaire. À partir de là, deux possibilités s’offrent à nous. Ou le voleur, le vrai, ne va pas attendre qu’un tueur vienne le cueillir, et va par conséquent chercher à se débarrasser du larcin, quitte à risquer la colère de son employeur ; ou bien il s’est fait liquider par son employeur qui désire rester tranquille. Dans tous les cas, c’est un homme mort.

    — Ce ne sont que des conjectures. Comment en êtes-vous arrivé à imaginer tous ces scénarios ?

    — Dix-sept ans dans le métier, Martha ! Et j’ai appris des meilleurs !

    — Ouais, la vantardise, en revanche, c’est inné…

    Un serveur vint enfin à leur table. Grand, musclé, un front néandertalien, le crâne rasé, moustache et bouc saillants… Vendini et Martha furent étonnés de le reconnaître.

    — Bogdan ? soufflèrent-ils de concert.

    Apercevant Antonio, Bogdan eut un mouvement de recul.

    — Oh non, pas toi ! gémit-il. Ne m’approche pas, démon ! Reste loin !

    — C’est toi, Bogdan ? Qu’est-ce que tu fous là ? T’es censé bosser sur la côte Est !

    — Je travaille. Non, reste assis ! Ne bouge pas !

    — Allons bon, qu’est-ce qui te prend encore ?

    — Ne m’approche pas, t’es maudit.

    — Décidément, c’est une manie, chez toi ! Je suis pas maudit, tu es juste très sensible !

    — D’après ce que j’ai vu, dit Martha, oui, vous êtes maudit…

    — Hein ? Vous prenez sa défense, en plus ?

    — Bla bla bla…

    Comme il dit cela, un lustre se décrocha du plafond et tomba aux pieds du serveur, qui sursauta de frayeur.

    — Et ça, Vendini, c’est pas une preuve ?!

    — T’es parano.

    — Écoute, Martha, je sais pas ce que vous fichez ici, tous les deux, ni comment vous avez réussi à me retrouver, mais je suis prêt à te dire tout ce que tu désires… si tu le fais partir.

    — Que je le fasse partir ? s’étonna la jeune femme. Euh…

    — C’est du délire, pesta Antonio.

    — Ça marche. Vous pouvez partir ?

    — Hein ?! Moi ?! Mais… mais…

    — Allez, zou. Filez.

    Antonio se leva et, dans un grommellement désapprobateur continu, s’en alla. Il erra un petit moment avant de s’asseoir sur l’un des bancs de la place, d’où il avait une vue imprenable sur cette traîtresse de Martha et ce superstitieux de Bogdan.

    Ce dernier l’avait aidé de temps à autre dans la résolution de quelques affaires. C’était un allié fiable, bien que paranoïaque.

    Il soupira et se raisonna. Après tout, d’une certaine façon, il obtenait l’aide qu’il avait souhaitée, bien que ce ne fût pas de la manière dont il l’avait souhaitée. Par conséquent, tout s’arrangeait, en quelque sorte.

    Ce fut à ce moment précis qu’il sentit la lame d’un couteau se poser sur sa gorge.

    — Ne bouge plus.

    — Évidemment…

     

    SOMMAIRE

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    Chapitre 3 : Les sœurs Merkachvili

    Où l'on assiste au retour d'une vieille connaissance.

     

    La personne qui tenait le couteau, sans l’ôter de la gorge de Vendini, le contourna et prit place à ses côtés. La reconnaissant elle aussi, le criminel ambitieux ne put s’empêcher de jurer. C’était une brune frisée vêtue d’un tailleur-pantalon vert. Elle affichait un air sévère et autoritaire, qui finit par s’effacer en faveur d’un rictus moqueur.

    — Coucou.

    — De tous les trous perdus de tous les pays du monde entier, il a fallu que je tombe sur toi ici. Ici. À Baerts.

    — Tu n’es pas content de me voir ?

    — Je ne suis jamais content de base, alors quand il s’agit de toi…

    Dragomira Vitsina rangea sa lame en ricanant.

    — Qu’est-ce que tu fous ici, Dragogo ?

    — Ça dépend de pourquoi toi tu es là.

    — Et je suppose que ça te dérangerait d’aller voir ailleurs si j’y suis ? Genre à deux cents kilomètres ? Je suis sûr que je suis en fait dans un motel pourri à deux cents kilomètres. Si tu voles une voiture maintenant tu peux y être dans deux heures.

    — Tu es un amour. Tu as songé à faire du stand-up ? Tu ferais un malheur.

    — Ha ha. T’as le même humour que ta sœur, c’est fou. Et sinon, au risque de me répéter : tu fous quoi ici ?

    — Mais tu es bien curieux, dis !

    Malgré tout ce qu’il espérait, Antonio ne se faisait pas d’illusions. Elle était là pour le trésor de Théière-Gonthier. C’était elle, la “motivation” supplémentaire que le Maître avait mentionnée. Ce dernier avait apparemment approfondi ses recherches : la rivalité de Vendini avec Dragomira Vitsina, alias l’Hydre de Kiev, n’était pas connue de tous.

    — Dans quelle histoire je me suis embarqué, moi… ?

    — De deux choses l’une, Vendinette. Ou tu es ici pour quelques jours de vacances amplement mérités, ou tu es venu à la demande de Charles-Gontran de la Théière-Gonthier.

    — C’est Charles-Gontran qui m’a demandé de venir passer quelques jours de vacances amplement mérités ici. C’est un crime ?

    — Quelle agressivité. Nous sommes deux sur la même affaire. Plutôt que de nous mettre en compétition, je te propose une association. On cherche son bibelot à deux, et on partage la récompense.

    — C’est une escroquerie !

    — C’est simplement une alliance. Il vaut mieux pour nous travaillions ensemble et que nous partagions, mettons, quarante mille dollars en deux, plutôt que de nous battre et de risquer que la récompense nous passe sous le nez.

    Le Maître leur avait offert la même somme à chacun. Il n’avait décidément pas froid aux yeux, l’artiste. Ne se doutait-il pas que c’était là le meilleur moyen de s’aliéner les deux parties ?

    — Ça ne t’a jamais dérangée, la bagarre. Ma mâchoire se souvient encore de sa rencontre avec ton pied. Et elle lui en veut toujours.

    — C’est le métier qui veut ça. Alors ? Qu’est-ce que tu en dis ?

    — Je n’ai pas été assez clair ? La réponse est non. Maintenant, tu devrais partir avant qu’on ne s’écorche mutuellement. Si jamais elle te voit, Martha va…

    Sa phrase fut interrompue par l’arrivée impromptue de Martha. Les deux femmes se regardèrent droit dans les yeux… avant de se serrer chaleureusement l’une dans les bras de l’autre.

    — Ivannea !

    — Tereza !

    Dragomira et Vendini avaient eu une relation chaotique dès leur première confrontation. Au fil du temps, leurs chemins s’étaient souvent croisés et à chaque fois ils s’étaient battus… jusqu’au jour où il découvrit dans une situation très embarrassante que Dragomira Vitsina s’appelait en fait Tereza Merkachvili, et qu’elle était la sœur de sa plus fidèle associée.

    Depuis cette révélation, les deux tueurs étaient passés d’une haine réciproque à une entente quasi-cordiale, dans le sens où la cordialité se définissait par un échange moins nourri de coups de feu.

    Les sœurs s’étreignirent encore un moment, jusqu’à ce que Vendini, exaspéré, prenne la parole.

    — Vous avez fini… ?

    — Qu’est-ce que tu fais là, Tereza ? s’enquit Martha. Attends… tu es venue pour Théière-Gonthier. C’est toi, la stimulation dont il a parlée !

    — Vous avez compris vachement plus vite que moi.

    — C’est parce que je mange beaucoup de poisson.

    — Mais ça n’a aucun sens…

    — Bla bla bla.

    — Je suis là pour la même chose que vous deux, répondit Dragomira. Et j’ai déjà proposé une association à ton patron.

    Martha eut un brusque mouvement de recul et adressa un coup d’œil discret audit patron.

    — Rassurez-moi, vous avez refusé ?

    — Quelle question. Bien sûr que j’ai refusé !

    — Ne me dis pas que tu vas t’entêter toi aussi, Iva… Ce sera mutuellement profitable, et les risques seront grandement diminués. On ne pourra qu’en sortir gagnants.

    La blonde se renfrogna. D’un côté, elle était heureuse de revoir sa sœur après tout ce temps, mais elle savait aussi qu’elle travaillait pour un gang adverse, et pas n’importe lequel. Martha refusait la simple idée d’aider un concurrent. Sa loyauté allait d’abord envers sa propre bande.

    — Tu rêves, Tereza, finit-elle par répondre.

    — Je ne te demande pas de trahir…

    — Encore heureux ! s’écria Antonio. Il ne manquerait plus que ça.

    — … Mais il faut qu’on se serre les coudes. Toi, moi, et même ton imbécile de patron.

    — C’est non, annonça Martha, finale.

    Dragomira laissa échapper un soupir contrarié.

    — Très bien… Dans ce cas, je vous laisse. Je n’insiste pas. Fais simplement attention à toi, Iva. Il y a par ici des gens qui ne vous veulent pas que du bien, et il est possible que vous receviez une petite visite de courtoisie très bientôt.

    Dépitée, elle s’éloigna nonchalamment, les mains enfoncées dans les poches, sous le regard soupçonneux du criminel ambitieux.

    — On rentre ? proposa Martha. Je commence à avoir froid.

    Les deux espions ne les avaient pas quittés des yeux.

     

    Sur le chemin du retour, l’aspirante criminelle conta à son employeur les révélations du brave Bogdan. Étant lui-même un vieux de la vieille, Bogdan avait des yeux et des oreilles partout où il passait, ce qui le rendait indispensable pour ses alliés, et redoutable pour ses ennemis. La curiosité de Martha avait par conséquent été satisfaite.

    Remarquant qu’ils étaient toujours épiés, la jeune femme se pendit au bras d’Antonio pour donner le change et ainsi parler plus librement.

    — Tout Baerts est pourri jusqu’à la moelle. C’est un caïd appelé Bobby qui règne, ici. Il possède la mairie, la police… Personne ne fait rien sans son accord explicite. Je suppose que les hommes qui continuent de nous surveiller travaillent pour lui. Son repaire se trouve au cinéma du coin. Quoi qu’on fasse, ou plutôt quoi qu’on veuille faire, on devra forcément à dialoguer avec ce Bobby. Vous pensez qu’il serait le responsable ?

    — Peut-être que oui, peut-être que non. Il est en tout cas au courant. Quoi d’autre ?

    — Bogdan m’a donné l’adresse d’un receleur. Traumatisme.

    — Pourquoi traumatisme ?

    — C’est son nom. Il s’appelle Traumatisme.

    — On sent tout de suite l’enfant désiré.

    — Il tient des comptes et écoule tout ce que les escrocs et autres délinquants lui apportent. Actuellement, je pense que c’est notre meilleure piste.

    — Je le pense aussi.

    — On va lui rendre visite ?

    — Demain. Il est trop tard, ce soir.

    — Si vous le dites.

     

    Ils entrèrent dans l’hôtel et rejoignirent leur chambre, où ils passèrent les dix minutes suivantes à se quereller pour déterminer lequel prenait la moitié gauche du lit, car c’était le côté le moins inconfortable, à défaut d’être le plus douillet. Il fallut qu’on frappe à la porte pour faire taire leur différend.

    — Quoi ?! rugit Vendini en ouvrant en grand.

    Il se retrouva nez-à-nez avec les deux espions. Ceux-ci, bien que surpris par cette soudaine véhémence, ne se démontèrent pas pour autant.

    — Bonsoir. Je m’appelle Téléphone. Voici mon collègue, Trémolo.

    — On sent tout de suite les enfants désirés…

    — Nous n’avons pu nous empêcher de remarquer que vous et votre… amie veniez d’arriver en ville.

    — Et alors ?

    — Et alors, comme pour tout le monde, vous devez payer la taxe de séjour.

    — La… la taxe de séjour ? Qu’est-ce que c’est que ce patelin minable…

    — Calmez-vous, temporisa Martha. Elle est de combien, cette taxe ?

    — Deux mille chacun, répondit le dénommé Trémolo.

    — Deux m… C’est du délire ! Qu’est-ce qu’il se passe si on ne paie pas ?

    — Mieux vaut pour vous que vous ne le sachiez pas.

    — Et il n’y a pas moyen de s’arranger, je suppose.

    — Il y a toujours un moyen, sourit Téléphone en lui effleurant la joue.

     

    — Ok. Je l’admets. J’ai été idiote.

    — Je n’irai pas jusque-là. Impulsive, tout au plus.

    — Mais enfin, comment je pouvais savoir que c’étaient des policiers ?!

    Le duo se lamentait au fin fond d’une cellule au commissariat de Baerts depuis quelques heures maintenant.

    — En même temps, c’était un beau direct du droit. Je vois que vous avez fait des progrès. Mais vous avez toujours cette sale manie de laisser votre garde ouverte quand vous balancez l’épaule. Et ça, ça pardonne pas.

    — Il n’a pas répliqué, je l’ai mis KO d’un coup d’un seul !

    — Ça a pas empêché l’autre de sortir sa plaque.

    — C’était à vous d’agir, hein.

    — Vous aviez assommé un flic, j’étais censé faire quoi ? Passer l’autre par la fenêtre ?

    — Ç’aurait été un début.

    Des bruits de métaux s’entrechoquant parvinrent à leurs oreilles depuis le bout du couloir, puis Téléphone parut devant eux. Il était salement amoché : un morceau de viande pressé contre son orbite, les lèvres tuméfiées, le nez tordu dans un angle peu conventionnel… Martha possédait en effet un beau direct du droit.

    — Vous ne sortirez jamais d’ici, réussit-il à éructer à travers sa bouche ensanglantée. Vous avez eu tort de ne pas payer. On va vous renvoyer chez vous en morceaux. On va vous mener à Bobby, et il nous laissera vous découper en fines lamelles. Petit bout par petit bout, jusqu’à ce qu’il ne reste rien…

    — Vous n’avez pas frappé assez fort, Martha. Il la ramène encore vachement. La prochaine fois, visez les dents, plutôt.

    — J’ai déjà assez mal à la main comme ça, grogna la jeune femme. Mais j’essaierai avec le pied, promis.

    Trémolo apparut à son tour. Il tira son collègue à part et conversa avec lui à voix basse. En dépit de sa concentration, Antonio n’entendit que des gargouillis sans queue ni tête. Téléphone revint vers les barreaux de la cellule et foudroya Martha du regard.

    — Vous me le paierez. Vous me le paierez tous les deux.

    Et il partit d’un pas furibond, suivi de près par son comparse. L’instant d’après, ce fut Dragomira qui vint leur rendre visite. Un sourire triomphal éclairait son visage aux pommettes saillantes. Antonio poussa un gémissement inhumain.

    — Et dire que je pensais que cette journée ne pouvait pas être pire !

    — C’est comme ça que tu accueilles ta libératrice ?

    — Ma lib… C’est encore plus pire que le plus pire !

    — Notre libératrice ? s’enquit Martha.

    — J’ai payé votre caution, figurez-vous. Je vous avais pourtant prévenu que vous auriez de la compagnie ce soir ! Mais m’avez-vous simplement écoutée ? Non.

    — Ça va, se renfrogna sa sœur. T’es pas obligée de la ramener.

    — Apparemment, si. Parce que non seulement j’ai payé votre caution, mais j’ai aussi payé votre taxe de séjour. À tous les deux, s’empressa-t-elle de préciser.

    Vendini gémit derechef et se cogna la tête contre un barreau.

    — Pitié. Mon Dieu, pitié. Tuez-moi. Ça veut dire qu’on t’est redevables, maintenant ?

    — Et pas qu’un peu. Si seulement il y avait un moyen d’éponger cette dette rapidement. Oh, je sais ! Vous pourriez m’aider à enquêter sur un cambriolage récent ! Le hasard fait bien les choses.

    — Je te déteste…

     

    SOMMAIRE

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    Chapitre 4 : Fusillade à la bibliothèque

    Où l'on tombe de Charybde en Scylla.

     

    Au final, la nuit fut aussi courte que rude pour les criminels de Sunset Bay. Habitués à un certain confort dans leur ville d’origine, se voir forcés de passer d’un hôtel miteux à une cellule de prison miteuse pour finalement retourner dans l’hôtel miteux et mal dormir avait de quoi les épuiser. Et que Dragomira passât les réveiller tôt le matin n’arrangea rien à leur humeur.

    Ce ne fut qu’une fois qu’ils furent tous bien préparés, Antonio en particulier faisant traîner les choses en longueur, qu’ils purent véritablement attaquer la première étape de leur enquête mutuelle : trouver et interroger Traumatisme le receleur.

    L’adresse que Bogdan avait communiquée à Martha se révéla être celle d’une bijouterie. Et pas n’importe quelle bijouterie : la “Matteo & Fils”, orfèvres de luxe et horlogers de génération en génération depuis 1867.

    Les prix affichés en vitrine atteignaient des sommes astronomiques et cumulaient tant de zéros que cela en frisait l’indécence, mais il fallait admettre que les bracelets, montres, colliers et autres bagues étaient d’une finesse rare.

    Jamais Antonio n’avait vu pareille délicatesse dans une babiole. Le braquage de joaillerie n’était pas sa passion mais, à la vue d’autant de brillance, il ressentit l’étrange compulsion de faire une exception unique à sa règle.

    Puis il se demanda comment des artisans d’un tel niveau pouvaient vivre dans une ville aussi misérable. Vraisemblablement, les habitants n’étaient pas en mesure de s’offrir le luxe de porter une montre Matteo & Fils, c’était à peine s’ils étaient capables de faire la différence entre un tableau de Botticelli et une planche de bois.

    Alors pourquoi ne quittaient-ils pas Baerts pour s’installer ailleurs ?

    — Je pense que c’est juste une blanchisserie, fit Martha. C’est évident.

    — C’est surtout l’antre d’un mec pas net, répondit sa sœur. C’est logique, je ferais pareil.

    Ils entrèrent dans la boutique et furent accueillis au comptoir par une vendeuse au sourire éclatant.

    — Bonjour Mesdames, Monsieur. Puis-je vous aider ?

    — On voudrait voir le gérant, annonça Antonio.

    — Monsieur Matteo n’est pas disponible aujourd’hui. Vous désirez que je lui transmette un message ?

    — On s’est mal fait comprendre, trancha Dragomira. On veut parler à Traumatisme. Maintenant.

    Elle dévoila un pistolet derrière le pan de sa veste. La vendeuse tressaillit et bafouilla qu’elle allait voir dans l’arrière-boutique si son supérieur était toujours occupé. Parut quelques instants plus tard un gros bonhomme à la moustache majestueuse. Il était vêtu richement et coiffé à l’ancienne mode. Il se traîna jusqu’au comptoir d’un pas lourd et adressa un regard sévère aux comparses.

    — Ouais ?

    — Plutôt décontracté, le mec, commenta Vendini.

    — Sans pression, ajouta Dragomira.

    — J’aime pas quand on est d’accord.

    — Ouais, moi non plus.

    — J’ai pas toute la journée ! clama sèchement Traumatisme.

    — Et il la ramène, en plus.

    Dragomira et Antonio déposèrent leurs armes sur le comptoir. Traumatisme ne réagit pas, si ce ne fut pour entortiller sa fort belle moustache.

    — On a besoin d’une info, commença Martha. Nous sommes mandatés par un client pour récupérer un bien volé. Nous savons que le coupable s’est introduit chez lui il y a peu, nous savons qu’il est à Baerts, et nous suspectons qu’il vous a revendu l’objet de son larcin.

    — Je ne sais pas de quoi vous parlez.

    — Vraiment sans pression, rit Vendini. On a annoncé le jeu, et il ment d’entrée. Quel aplomb ! Quelle classe ! Quel panache !

    Il lui expédia soudain un revers de gifle en pleine figure. Traumatisme, surpris par le geste, resta interdit, ce qui permit au criminel de le prendre par le col et de le passer par-dessus le comptoir.

    — Écoute-moi, Traumatisme, et écoute-moi bien. Qui est venu te vendre quelque chose ces derniers temps ?

    — Je ne sais pas ! Personne n’est venu me voir !

    — Il est tenace…

    — Je ne me souviens pas ! Vous avez idée du nombre de pourris qui viennent me voir pour me refiler leur camelote ?!

    —Un receleur, ça doit forcément tenir une comptabilité, intervint Dragomira. Où est ton livre de comptes ?

    — Je ne peux pas vous le dire ! Si je vous parle, Bobby me tuera.

    — Donc Bobby est bien impliqué, nota Martha.

    — Ton problème le plus immédiat, c’est nous, pas Bobby, poursuivit Vendini. Donc, si tu veux éviter de faire honneur à ton nom, je te conseille de passer à table.

    — Je… Je… Je n’ai pas mon livre de comptes sur place. Trop dangereux. Je l’ai… Je le cache à la bibliothèque municipale.

    — À la bibliothèque municipale ?

    — Vous le trouverez dans le département des sciences économiques, rubrique finance, étagère du haut. C’est un livre gris, sans intitulé. Il y a tout ce que vous voudrez savoir dedans.

    Antonio le lâcha. Il tomba par terre.

    — Martha, vous et moi, on va à la bibliothèque. Dragomira, tu restes ici et tu…

    — Hin-hin, mauvais plan… On va vraiment laisser ma sœur ici ? Vous savez qu’elle est allergique à la loyauté.

    — Très juste. Dragomira, tu viens avec moi.

    — Pour que vous vous entretuiez ? Ça vous arrive de réfléchir ? Non non non, j’y vais avec Tereza, vous, vous restez là.

    — Parfois je me demande vraiment qui est le patron…

    — Tereza, t’es d’accord ?

    Dragomira haussa un sourcil et croisa les bras.

    — Ah, vous demandez quand même mon avis !

     

    Martha s’était imaginé la bibliothèque de Baerts comme un bâtiment décrépit et rabougri aux allures de maison close. Elle ne pouvait pas être plus éloignée de la vérité : c’était un souterrain aménagé sous un immeuble à HLM. L’entrée était à peine indiquée, dissimulée derrière une benne à ordures pleine à ras bord.

    Les sœurs pénétrèrent dans le sous-sol, sceptiques. La bibliothèque était une réplique miniature de la ville. Elle était déserte, veinée d’étagères presque vides, dépourvue de toute vie, seulement hantée par la silhouette entraperçue d’une archiviste fantomatique.

    Elles suivirent les instructions que Traumatisme avait données, trouvèrent le livre de comptes exactement là où il le fallait, et allèrent le feuilleter à une table en silence.

    — Regarde vers la fin, ça s’est passé récemment, chuchota Dragomira.

    — Je sais.

    — Et cherche une entrée d’argent qui sort du commun.

    — Je sais ! Tu veux bien me laisser faire ?

    — Mais je te laisse faire…

    — Parfois, tu es tellement, mais tellement…

    — Cherche.

    Martha commença sa lecture par les dernières pages, mais une inspection rapide lui fit remarquer qu’aucune annotation, tant en termes de date que d’objet recelé, ne correspondait à ce qu’elle recherchait.

    — Un lustre ? On peut revendre un lustre ?

    — Oui, bien sûr. Tu ignores ce que les gens peuvent acheter pour trois fois rien.

    — Mais… mais ça se vend ?

    — Hélas, oui. Avant, c’était l’apanage du crime, ce genre de petites affaires faciles. C’était comme faire son marché, noir s’entend. On se promenait et on trouvait ce qu’on voulait pour une bouchée de pain.

    — Et maintenant ?

    — Et maintenant, il y a Ebay.

    Une femme vêtue d’un long imperméable sombre entra dans la bibliothèque. Dragomira tira aussitôt la manche de sa sœur.

    — Quoi ? s’enquit cette dernière.

    — On devrait y aller… Cette nana, je la sens pas.

    — Pourquoi ?

    La nouvelle arrivante ouvrit son manteau, pour dévoiler un imposant fusil de chasse. Dragomira attrapa Martha par les épaules et l’entraîna à l’abri au moment où la première salve détonna et arracha un morceau d’une étagère.

    — Ok, j’ai compris !

    — Faut qu’on se taille ! s’exclama la tueuse en dégainant son pistolet.

    — Merde, le livre est resté sur la table.

    — C’est pas grave, y a rien d‘intéressant.

    — On en sait rien. Traumatisme saura peut-être nous le déchiffrer…

    — … Bordel. Tu me casses les pieds, Iva. Je vais te couvrir. Toi, tu fonces, tu récupères le bouquin, et tu files vers la sortie. Je serai derrière toi.

    — D’accord…

    Dragomira pointa son arme dans le vide et fit feu à l’aveuglette. Entre les livres, elle put voir leur assaillante se réfugier derrière un pilier. Martha en profita pour bondir, se saisir du carnet de comptes, et rouler à couvert.

    Une nouvelle détonation assourdissante du fusil les fit trembler. Des pages et des monceaux de bois déchiquetés voletèrent autour d’elles. Il suffisait juste qu’un seul projectile fasse mouche pour que ce soit terminé et que l’une des sœurs repeigne les murs avec ses organes.

    Le seul moyen pour que Martha sorte d’ici en un seul morceau était d’occuper leur attaquante, et pour cela, Dragomira devait se mettre entièrement à découvert, et avoir suffisamment de munitions. Elle prit une grande inspiration et s’exécuta.

    Elle se montra, tendit son pistolet devant elle, et avança en tirant. Aussitôt, Martha, de son côté, suivit son cheminement à pas de loup. À nouveau, la femme au fusil se dissimula derrière son pilier. Les sœurs progressèrent ainsi jusqu’à presque atteindre la sortie ou, plutôt, jusqu’à l’instant que redoutait Dragomira : elle venait de gaspiller sa dernière balle.

    Heureusement pour elle, elle n’était pas éloignée de la tueuse à gages. Aussi, quand cette dernière voulut saisir l’occasion qui se présentait et braqua le canon de son fusil sur Martha, l’Hydre de Kiev réagit au quart de tour. D’un tournoiement gracile, elle lui faucha les jambes, s’empara du fusil, et lui asséna un coup de crosse sur la tempe qui l’expédia au tapis.

    — Pas mal, commenta Martha.

    — J’hésite à la finir…

    — On a déjà la police sur le dos, il vaut mieux éviter de nous attirer davantage d’ennuis.

    — Humph…

    — Allez ! On est pressées !

     

    Les sœurs rebroussèrent chemin avec prudence. L’incident qui venait de se produire les avait mises sur leurs gardes. Elles examinèrent les rues dans leur moindre recoin avant de finalement rejoindre la bijouterie Matteo & Fils.

    Vendini et Traumatisme étaient devant le magasin. À genoux. Les mains sur la tête. Encerclés par une demi-douzaine de loubards armés, parmi lesquels Martha reconnut la face tuméfiée de Téléphone, et celle encore intacte de Trémolo.

    Les deux femmes voulurent s’esquiver, mais d’autres sbires surgirent par-derrière et les poussèrent au centre du cercle.

    — Tiens tiens ! Comme on se retrouve ! ricana Téléphone. Tu sais, la blonde, tu m’as manqué.

    — Vu ta gueule, j’ai plutôt touché au but.

    — Sale petite pu…

    — C’est ça, aggrave ton cas.

    Téléphone ravala sa colère, et son compagnon Trémolo prit la parole.

    — Bobby veut vous voir.

    — Je n’ai rien fait ! s’écria Traumatisme. Je n’ai rien dit et je n’ai rien fait ! Jamais je ne trahirais Bobby, vous le savez !

    Deux des nervis le prirent par les bras, l’entraînèrent un peu plus loin, et le passèrent à tabac. Le reste de l’équipe fit monter Martha, Dragomira et Vendini dans une fourgonnette garée non loin, qui démarra vers sa destination inconnue.

    — Donc, on a récupéré ce bouquin pour rien, pesta l’aspirante criminelle. Génial.

    — Vous avez lu quelque chose d’intéressant dedans, au moins ? s'informa Antonio.

    — Même pas.

    — Super. J’ai bien fait de vous amener avec moi.

    — Dites, euh, c’est pas moi qui me suis fait capturer comme une idiote. On a échappé à une tueuse, je vous ferai dire !

    — Pour tomber à pieds joints dans le piège d’à côté. Wahou. Quelle maestria.

    — Bla bla bla…

    — Qu’est-ce qui vous prend, à dire “bla bla bla” tout le temps ?

    — C’est juste pour faire “bla bla bla”.

    — Eh ben c’est pas banal…

     

    SOMMAIRE

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    Chapitre 5 : Vivre comme un lion

    Où l'on vit aussi comme un mouton.

     

    Le cinéma de Baerts ressemblait de près comme de loin à un hangar désaffecté depuis une éternité. Le parking qui l’entourait était désert et lugubre, ses cloisons décrépissaient à vue d’œil, la tôle qui lui servait de toit se disloquait et, pour finir, il était impossible de dire si l’établissement était ouvert ou non… De lourdes portes de fer closes similaires à un portail de prison faisaient office d’entrée.

    Au sortir du van, la première action de Vendini fut de regarder le ciel chargé de sinistres nuages gris et de soupirer de fatigue. Ce climat perpétuellement déprimant l’oppressait et lui faisait regretter le soleil éclatant de sa Caroline du Sud chérie.

    Téléphone et Trémolo ouvrirent les portes et firent entrer leurs prisonniers à l’intérieur du cinéma.

    C’était comme s’ils venaient de pénétrer dans une autre dimension : les murs étaient blancs immaculés, le sol était brillant, le stand d’accueil était impeccable, doté de caisses automatiques dernier cri et de distributeurs de friandises en état de marche. Des panneaux numériques et des écrans télévisés affichaient à intervalle régulier les différents horaires des séances. Ce qui attira l’attention de Martha, ce fut la décoration. De multiples posters ornaient les parois, des reproductions d’œuvres de Charles-Gontran de la Théière-Gonthier ainsi que de son illustre famille, parmi lesquels sa mère, son frère cadet, son oncle, son grand-oncle, et nombre de ses cousins…

    — Tu parles d’une obsession… marmonna le jeune femme pour elle-même.

    Le trio fut mené dans un escalier, dans un couloir et enfin dans un bureau. Vaste, circulaire, doté d’une baie vitrée qui donnait vue sur une salle de projection, et également orné de quantités de répliques des créations des Théière-Gonthier. L’escorte se retira. Seuls restèrent Trémolo et Téléphone.

    — C’est gentil, chez vous, observa Vendini.

    — À quoi ça sert, d’avoir vue sur une salle ? interrogea Dragomira.

    — Va savoir. C’est sûrement pour passer les tueuses ukraino-géorgiennes à travers.

    — Quelle charmante attention. Et quelle étrange spécificité. Ça ressemble plutôt à une vitre pour criminel prétentieux.

    — Non non, je m’y connais.

    — Nous vivons dans un monde fou.

    Martha, de son côté, inspectait les lieux. Cette obsession pour les Théière-Gonthier la dérangeait. Que pouvait bien vouloir le petit caïd d’un minuscule hameau perdu à l’une des lignées d’artistes les plus influentes du dernier siècle ? Cela n’avait pas de sens. Était-il un simple adorateur monoïdéiste consumé par sa fixation ? Dans ce cas, pourquoi vouloir faire chanter l’une de ses idoles ? Et pourquoi jeter son dévolu sur Charles-Gontran uniquement ?

    Le grincement de la porte qui s’ouvrit les fit se retourner tous les trois. Deux nouvelles personnes entrèrent à leur tour.

    La première, Dragomira et Martha la reconnurent. C’était la femme en manteau noir qui les avait attaquées à la bibliothèque. Un épais bandage lui enserrait les tempes.

    La deuxième, en revanche, leur était inconnue. Il s’agissait d’un vieillard d’au moins 80 ans, frêle, rachitique. Il ressemblait à un vagabond, avec sa barbe de quelques jours, sa doudoune déplumée et son bonnet rouge enfoncé sur la tête.

    — C’est donc vous qui causez tant de problèmes dans ma ville ? fit-il.

    — C’est vous, Bobby ? demanda Antonio, incrédule.

    — C’est bien moi. Mais je n’ai pas le plaisir de vous connaître, Monsieur…

    — Vendini. Antonio Vendini. 32 ans. Criminel ambitieux.

    — Vous m’en direz tant…

    Bobby s’en alla prendre place derrière son bureau, et posa les jambes croisées sur la table. Dragomira prit l’initiative de se présenter à son tour :

    — Je suis…

    — Je sais très bien qui vous êtes, Dragomira Vitsina. L’Hydre de Kiev. Votre réputation vous précède.

    Antonio adressa un regard noir à la tueuse alors qu’une colère sourde poignait en lui. Martha garda le silence. Elle n’était pas renommée et ne désirait pas le devenir car elle considérait que c’était un sévère handicap pour quiconque travaillait dans le milieu. Elle remarqua que, dans le dos de Bobby, se trouvait un petit coffre-fort à serrure numérique. Elle était prête à parier n’importe quoi que l’objet de leur enquête était enfermé là-dedans.

    — Vous avez mis un sacré bazar, amorça Bobby. Un assaut sur des forces de l’ordre, une bijouterie saccagée, une fusillade à la bibliothèque… Fort heureusement, il n’y a eu que des blessés légers.

    — À mon grand regret, répliqua Dragomira en louchant sur la femme en manteau noir.

    — N’en voulez pas à Tartine, elle n’a fait que suivre les ordres. Ça ne sert plus à rien de le cacher : je suis la personne que vous recherchez. C’est bien moi qui ai dérobé quelque chose à Charles-Gontran de la Théière-Gonthier pour le faire chanter.

    — Tartine ? rebondit Vendini. Les mamans sont décidément impitoyables dans le coin…

    — Au début, je voulais vous éliminer. Je pensais que vous liquider m’enlèverait une grosse épine du pied. Puis j’ai réalisé la chose suivante : si je vous tuais, là, maintenant, il ne faudrait pas attendre longtemps avant que Charles-Gontran envoie de nouveaux… spécialistes s’occuper de moi.

    — Et donc ?

    — Et donc j’ai pensé à ceci : je suis prêt à vous payer 20% de plus que ce que vous a promis Charles-Gontran si vous lui dites vous être occupés de moi. Vous direz que la preuve a été détruite dans l’échauffourée et qu’il n’a plus rien à craindre. Ainsi, vous gagnez plus en faisant moins, Charles-Gontran est rasséréné, et, de mon côté, je n’ai plus à m’en faire pour ma peau. Tout le monde est gagnant.

    Vendini posa les poings sur la table. Les sbires de Bobby s’approchèrent pour le maîtriser mais leur chef les en dissuada d’un geste de la main.

    — Excusez-moi, mais plusieurs questions me viennent tout de suite à l’esprit. Tout d’abord… est-ce que vous avez les moyens de vous permettre une telle dépense ? Parce qu’on parle d’une certaine somme, là. Avec quelques zéros avant la virgule.

    — Vous aurez votre argent en cash sitôt que vous aurez pris votre décision.

    — Et pour le reste ? Je suppose que si on suit votre plan, vous frapperez Théière-Gonthier tôt ou tard… Non seulement notre réputation va en prendre un coup, mais Théière-Gonthier saura qu’on l’a trahi et voudra régler ses comptes avec nous !

    — Je vous assure qu’avec ce que j’ai prévu pour lui, vous serez à l’abri de tout danger et de toute retombée.

    — Mouais… Vous parlez de trahison. Même si c’est un sujet fréquent, il est toujours sage de ne pas le prendre à la légère.

    — C’est pour cela que je vous laisse le temps de réfléchir. Nous sommes entre gens civilisés, je n’ai aucune raison de me comporter en sauvage avec vous. Pour le moment.

    — C’est trop beau, intervint Dragomira. Il y a forcément une embrouille quelque part.

    — Il n’y a jamais d’embrouille quand on joue franc-jeu. Je suis honnête envers vous, la moindre des politesses serait que vous le soyez également à mon encontre. Et, si vous êtes un tant soit peu avisés, vous accepterez mon offre. C’est ce que je vous suggère. Une telle opportunité ne se représentera pas. Je vais vous laisser partir, maintenant. Je suppose que vous avez d’autres occupations pour la journée.

    — Vous nous laissez y aller, comme ça ?

    — Sachez juste que vous serez surveillés. Je serai au courant de vos moindres faits et gestes. En permanence. Afin de m’assurer que vous ne commettez rien de… d’audacieux, si j’ose dire. Vous pouvez prendre congé.

    Trémolo et Tartine conduisirent Vendini et Dragomira dans le couloir, néanmoins Martha resta plantée devant Bobby, les bras croisés. Le vieillard la détailla de son regard encore vif, haussant un sourcil circonspect.

    — Vous n’avez rien dit, jusqu’à présent, jeune fille…

    — Je m’interrogeais.

    — À propos de quoi ?

    — Cette obsession que vous avez avec les Théière-Gonthier. Je vois que vous avez une certaine passion pour leurs travaux.

    Elle pointa du doigt l’immense reproduction d’un tableau abstrait, une mixture de frénétiques coups de pinceaux violets, pourpres, et noirs. Bobby se retourna.

    — Celui-là, par exemple. Je ne suis pas une fan de ce que fait Charles-Gontran en général, pour ne pas dire que je déteste carrément, mais cette toile-là m’a toujours parlé.

    — Ah, “Faiblesse”. C’est mon favori.

    — Je ressens bien la violence et la tristesse dans les gestes. Il y a une sorte d’impuissance qui m’émeut.

    — Oui… Je partage le même avis que vous… C’est une composition d’une grande peine. Fatiguée. Extenuée. Et également trahie.

    — Je trouve que c’est la seule œuvre qui mérite vraiment le titre d’œuvre d’art. Après, j’ai l’impression que Charles-Gontran a toujours essayé de s’imiter. Il n’a fait que se parodier lui-même toile après toile après toile. Là où il y avait de l’émotion autrefois, il n’y a plus que des mouvements mécaniques, sans âme, sans réflexion, sans même une seule intention.

    — Je suis entièrement d’accord.

    — Alors pourquoi vouloir le faire chanter ainsi ? Vous avez l’air d’avoir déjà tout ce que vous désirez. Que vous faut-il de plus ?

    Bobby sourit.

    — Je crois que c’est un homme dans la même profession que vous qui répétait souvent “Mieux vaut vivre un jour comme un lion que cent ans comme un mouton”.

    — John Gotti.

    — Je vois que vous connaissez vos classiques.

    — Mes classiques sont morts en prison en 2002, vous avez de drôles de références.

    — Nous ne pouvons pas tomber d’accord sur tout.

    — Mais nous sommes d’accord sur l’essentiel.

     

    Rebutés par le discours qui leur avait été servi, Dragomira et Antonio arpentaient les rues de Baerts. Martha les suivait en retrait, les yeux collés sur l’écran de son smartphone. Vendini, lui, était particulièrement remonté et le faisait savoir au monde entier :

    — Je n’arrive pas à y croire ! Un vieux croulant qui me donne un ultimatum ! À moi ! On aura vraiment tout vu…

    — Ferme-la, intima Dragomira. Rien que ta voix me donne mal au crâne.

    — Tu veux t’battre ?

    — Peut-être bien. T’as les couilles pour ça ou faut que je te prête les miennes ?

    — Ça dépend si t’as assez de dents pour que je me défoule…

    Ils s’empoignèrent virulemment et levèrent le poing, mais furent interrompus par Martha, qui leur donna une tape sur la nuque chacun.

    — Vous avez pas bientôt fini votre sketch, tous les deux ? Vous me déconcentrez.

    — Vous savez que je suis votre patron, quand même ?

    — Et tu sais que je suis ta grande sœur ?

    — Ouais, ouais, admit Martha. Pourtant je suis la plus mature. Vous me laissez lire, maintenant ?

    — Qu’est-ce que tu lis ?

    — Je surfe sur le net. Écoutez, si vous voulez vous entretuer, très bien, mais faites-le en silence.

    Vendini et Dragomira échangèrent un regard gêné et se lâchèrent mutuellement. Pour Antonio, il était évident qu’il ne fallait pas accepter l’offre de Bobby. C’était trop dangereux et, contrairement à ce que le vieillard avait clamé, de multiples conséquences s’ensuivraient…

    — Je pense qu’on devrait accepter, dit Dragomira.

    — Et pourquoi, s’il te plaît ?

    — On court après du vent. Autant en profiter. Quand la vérité éclatera, Théière-Gonthier sera trop embourbé pour s’en prendre à nous.

    — Et l’éthique professionnelle, tu en fais quoi ?

    — L’éthique ? On ne mène pas un train de vie qui peut s’embarrasser de l’éthique. Notre but, c’est de gagner un max. T’as une meilleure idée ?

    — Évidemment ! Tu es effrayante de bêtise, parfois. On suit le plan de base. J’ai remarqué qu’il y avait un coffre-fort dans le bureau de Bobby. C’est sûrement là-dedans que se cache notre bidule volé. Pendant que l’un de nous fait diversion, les deux autres foncent au cinéma, ouvrent le coffre et tadam, le tour est joué. On se retrouve à un point de rendez-vous et on partage la somme comme convenu.

    — C’est suicidaire. Tu ne sais même pas comment ouvrir le coffre. Il te faudrait des outils que tu n’as pas le luxe d’acheter car on est surveillés.

    — C’est génial. J’improviserai.

    — Je suis pour le plan de M’sieur Vendini, fit mollement Martha. C’est une bonne idée.

    — Hein ? Tu es d’accord avec cet écervelé ?

    — Je pense simplement que notre loyauté va d’abord envers le client. Et je sais comment ouvrir le coffre, car je crois avoir découvert ce qu’il renferme : le secret des Théière-Gonthier.

    — Boum ! s’écria Vendini. Largage de titre ! Tu parles d’une subtilité !

    — Bla bla bla…

     

    SOMMAIRE

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    Chapitre 6 : le secret des Théière-Gonthier

    Où l'on découvre une intéressante histoire de famille.

     

    Dragomira ne cessa durant le reste de la journée de bougonner et d’exprimer son désaccord vis-à-vis du plan. Néanmoins, elle se tut quand sa propre sœur lui fit remarquer combien, ce faisant, elle ressemblait à Vendini.

    Martha, elle, refusa catégoriquement de divulguer ce qu’elle avait découvert, ou pensé avoir découvert, clamant qu’elle profiterait d’une occasion dramatique propice à ce genre de révélation sensationnelle.

    Ils durent par conséquent tuer le temps afin de donner le change à leurs surveillants. Ceux-ci, bien qu’éloignés, ne les lâchaient pas d’une semelle et, pire, paraissaient se multiplier à mesure que la journée s’écoulait, si bien qu’au coucher du soleil, un quart de la ville était sur leurs talons. Antonio en arriva à se demander si l’influence de Bobby avait une limite. Comment un fossile pareil pouvait-il avoir autant de pouvoir ? Baerts n’était qu’un village perdu au milieu dans un endroit où même le soleil refusait de se montrer, alors comment faisait-il pour plier autant de gens à sa volonté ? L’activité économique de la région était au point mort, il n’avait logiquement aucun moyen de faire chanter ni de payer quiconque. Ses ressources, quelle que fût leur provenance, devaient être illimitées, sinon conséquentes.

    — Il va bien falloir qu’on retourne à ce foutu cinéma…

    — Si t’as une idée, Vendinette, c’est le moment.

    — Ne m’appelle pas comme ça, Dragogo. Je déteste ça.

    — Et ne m’appelle pas Dragogo, je déteste aussi.

    — Houf, souffla Martha, la tension sexuelle entre vous est presque palpable, les filles.

    — Personne ne t’a demandé ton avis, Iva !

    — J’ai une idée ! s’exclama Vendini.

    — C’est ça, dis-le encore plus fort, que tout le monde soit bien au courant.

    — J’ai… j’ai du mal à savoir si c’est ironique parce que tu insinues que je suis un crétin, ou bien parce que tous ceux qui peuvent m’entendre nous veulent du mal.

    — … Ok, choisis celui que tu veux. Je n’avais pas réfléchi jusque-là.

    — Tiens donc.

    — La ferme.

    — Toi, la ferme.

    — Un jour, je te tuerai.

    — Je te tuerai avant.

    Martha avait arrêté de les écouter car elle préférait désormais se cogner la tête contre un poteau.

     

    Une fois que l’aspirante criminelle se fut apaisée, Vendini exposa son plan. La première partie consistait à attendre la nuit noire, quand la garde serait à coup sûr relâchée. Grâce à cela, l’un d’entre eux trois volerait une voiture et s’enfuirait.

    — Et ça sera toi, Dragomira.

    — Pourquoi moi ?

    — Bicoze je t’aime pas.

    — Soyez sérieux, gronda Martha.

    — Rah, soit… Parce que… non, parce que c’est tout !

    — Allez.

    — Parce que… parce que t’es la meilleure conductrice que je connaisse, avoua-t-il, rouge jusqu’aux oreilles.

    À ces mots, Dragomira éclata d’un rire franc. Antonio enfonça la tête dans les épaules et se justifia :

    — Comme ça tu pourras semer les mecs qui te poursuivront,ù et nous rejoindre au plus vite. Et puis tu as un flingue, toi.

    — Et ?

    — Et Martha ne sait pas s’en servir. Tu as un flingue, tu conduis mieux, donc tu fais la diversion. T’en fais pas, je suis “honnête”, tu auras ta part du magot.

    — L’honneur entre les voleurs, hein.

    — Entre les tueurs, plutôt.

    — Bon, et ensuite ? T’es choupi quand tu rougis, c’est trop mignon.

    — Zut. Pendant ce temps, Martha on moi, on se faufile dans le cinéma et grâce à ce qu’elle sait mais qu’elle veut pas nous dire parce que c’est une égoïste, on récupère le “secret des Théière-Gonthier”. Ça forcera Bobby à se mettre à découvert. On le finira à ce moment, et on fera ce que tu sais faire le mieux ?

    — Qui est ?

    — Fuir.

    — Bien sûr. Les compliments, ça a pas duré.

    — Faut que je me rattrape, je me sens sale rien que d’y penser.

    — Il faudra s’y mettre tard, en revanche. On aura moins de monde sur le dos, et vous aurez l’accès libre au cinéma.

    — Ce n’est pas comme s’il y avait énormément de peuple par ici, et celui qu’il y a nous épie sans honte. Bande de charognards.

     

    Le trio de criminels essaya de passer la fin de journée et le début de la nuit comme un trio de criminels des plus classiques. Ils tuèrent le temps dans la chambre de l’hôtel, jusqu’à deux heures du matin. Dragomira jugea qu’il était temps pour elle d’entrer en jeu. Au moment de sortir de la chambre, sa sœur la serra dans ses bras.

    — Fais attention à toi, Tereza.

    — Ne t’en fais pas, tout va bien se passer. Tu ne me souhaites pas bonne chance, ma Didinette ?

    Vendini ne lui adressa même pas un regard.

    — Même un percepteur d’impôts est moins opiniâtre que toi. Tu vas malheureusement t’en sortir, ça ne me préoccupe pas une seconde.

    — Ton petit copain est un individu charmant, Iva.

    — Il a ses avantages, mais surtout beaucoup d’inconvénients, répondit Martha dans un sourire. Bonne chance.

    Dragomira sourit en retour et sortit. Il ne fit pas trois mètres dans le couloir qu’elle fut arrêtée par Trémolo et un camarade qu’elle n’avait pas encore eu le plaisir de connaître.

    — Où vous croyez aller comme ça, miss ? l’apostropha ce dernier.

    — Je ne vous connais pas, vous. Comment vous vous appelez ? Tomate ? Tarentule ? Technologie ? Tonton ?

    — Jason.

    — Rien à voir, en fait. Laissez-moi passer.

    Jason l’agrippa sous le bras pour l’empêcher d’avancer.

    — Lâchez-moi.

    — Retournez dans la chambre, miss.

    — Je sens que ça va m’énerver… vous devriez me laisser passer. Tout de suite.

    — Où allez-vous ?

    En réponse, Dragomira pivota sur elle-même et, se servant de l’élan, aplatit son talon sur la gorge de Jason, qui s’écroula par terre. Sans laisser à Trémolo le temps de réagir, elle s’empara de l’extincteur au mur et lui asséna un coup sur le crâne. L’agent de police tomba à son tour comme une masse. Dragomira lui lâcha l’extincteur sur le pied.

    — Mais t’es complètement marteau ! s’écria une voix.

    C’était Vendini, qui venait de passer la tête par l’encadrement de la porte.

    — Qu’est-ce que j’ai encore fait ? rouspéta la tueuse.

    — Qu’est-ce que tu… Tais-toi. Tais-toi et passe à la suite du plan. Je m’occupe de ces deux-là.

    Dragomira opina du chef et reprit son chemin, jetant seulement un regard derrière pour s’assurer que Vendini était en train de déplacer les corps dans sa chambre.

    Ce ne fut qu’une fois sortie de l’hôtel qu’elle fut de nouveau confrontée à de la résistance. Deux autres sbires de Bobby l’attendaient. Désirant attirer l’attention du plus grand nombre, elle décocha un coup de poing au premier et se saisit du second.

    — T’as une bagnole ? l’interrogea-t-elle.

    — O… oui ?

    Good. Tu vas m’y amener vite fait.

    S’exécutant, l’homme la guida jusqu’à son véhicule. Elle lui arracha la clé des mains, lui cassa le nez, et le laissa gésir sur le trottoir alors qu’elle bondissait dans la Ford et démarrait sur des chapeaux de roue, non sans vérifier dans le rétroviseur que le nervi appelait des renforts au téléphone.

     

    Vendini et Martha patientèrent une bonne vingtaine de minutes après le départ de Dragomira avant de passer à l’action. Comme Antonio l’avait prévu, les rues étaient désertes. Même les chats de gouttière avaient dû se lancer à la poursuite de la diversion. Tout se déroulait exactement comme attendu.

    Le duo put retourner au cinéma très facilement. Malgré l’apparente réussite de leur stratagème, ils trouvaient l’absence de toute résistance suspecte. Et, en dépit du manque de vie global, auquel ils s’étaient habitués au fil de leur court séjour, dans la ville, les rues vides par ce ciel de nuit sans étoiles les oppressaient. Le néant les étouffait à un point qu’ils en venaient à regretter le brouhaha quotidien de leur métropole de Sunset Bay.

    Il leur fallut trente à quarante minutes pour remonter le chemin jusqu’au cinéma. L’établissement était fermé, les rideaux de fer avaient été tirés, aucun rai de lumière ne filtrait par aucun interstice. Ils firent le tour du hangar et découvrirent une entrée de service à l’arrière. Antonio appuya sur la poignée mais la porte ne bougea pas. Laissant échapper un soupir de frustration, il dégaina son pistolet.

    — Vous êtes malade ? s’étrangla Martha. Rangez ça ! Vous voulez rameuter tout le quartier ?

    — Dès qu’on va rentrer, on va sûrement déclencher une alarme. Alors, à quelques secondes près…

    — Bla bl…

    Sans tergiverser, Vendini poussa sa compagne en arrière et fit sauter la serrure d’une détonation. La porte s’ouvrit lentement, dans un grincement si sinistre qu’il aurait fait rougir de honte les meilleurs effets spéciaux des films d’horreur. Le duo pénétra ainsi dans le repaire de l’implacable Bobby,

    Avançant à pas de loup, Martha guida son patron à travers le cinéma. Contrairement à lui, qui avait passé son temps à ruminer sa colère, elle avait pu, et su, se concentrer un minimum pour se remémorer le chemin à emprunter. Leur progression fut interrompue par un agent de sécurité. Heureusement, Antonio fut le plus rapide et l’envoya au tapis d’un coup de poing en plein dans la tempe. À partir de là, atteindre le bureau de Bobby fut un jeu d’enfant.

    La porte n’était même pas fermée à clé. Martha alluma, traversa la pièce à grands pas et s’agenouilla devant le coffre-fort à fermeture numérique.

    — Vous allez savoir comment l’ouvrir, alors ? s’enquit Vendini en s’asseyant sur un coin du secrétaire.

    — Élémentaire. Il suffit juste de s’y connaître un peu en art.

    — Je suppute que c’est le moment où vous allez m’expliquer de façon condescendante les raisons pour lesquelles vous êtes plus intelligente que moi quand bien même je suis celui qui décide de votre salaire.

    — Je ne suis pas plus intelligente que vous, M’sieur Vendini.

    — Tiens, c’est une première, ça !

    — Je suis juste plus attentive quand il le faut.

    — Je vous déteste.

    — Et je vous le renvoie cordialement. Vous voyez, cette reproduction de tableau ? poursuivit-elle en désignant du doigt l’immense toile aux coups de pinceaux violets, pourpres et noirs pendue au mur.

    — On ne voit que ça.

    — “Faiblesse”. La première toile de notre estimé commanditaire, Charles-Gontran. Les critiques s’accordent pour dire que c’est la pièce maîtresse de son travail. Les plus acerbes clament même que ses autres œuvres ne sont que des copies sans personnalité qui essaient d’imiter l’âme de l’originale.

    — Et ?

    — Et je suis entièrement d’accord avec eux. Charles-Gontran de la Théière-Gonthier est un faquin et un fat. Dommage qu’on soit si peu à partager cet avis, parce que…

    — Focus, Martha. Focus.

    — Oui, pardon. CG a créé Faiblesse à 17 ans, en 1990. Cependant, ce n’est pas ce qui nous intéresse. Ce qui nous intéresse, c’est un obscur membre de la famille, Robert-Félicien. C’était un mouton noir : il avait décidé de gagner sa vie. Il avait monté sa petite boutique et consacrait son temps libre aux arts, mais les autres TG l’ont caché car ils en avaient mortellement honte. On a perdu toute trace de son existence en 1988. Il serait mort d’un cancer foudroyant. Mais il y a une autre version des faits. Selon certains, et par certains, j’entends moi, il aurait été chassé et contraint de se faire une nouvelle vie sous un faux nom. Comme son âge déjà avancé à l’époque ne lui permettait pas de se construire une nouvelle entreprise, les banques l’ayant jugé insolvable, et aussi par amertume envers son ancienne famille, il a eu recours au crime. Il avait déjà les contacts bien placés, il avait déjà l’argent, c’était chose aisée. Robert-Félicien est parti loin du clan des Théière-Gonthier et, sous le pseudonyme de Bobby, a ruminé sa revanche pendant 22 ans, attendant avec une patience féline le moment idéal pour frapper. Frapper pour récupérer tout ce dont il avait été spolié depuis 1988…

    Elle entra les chiffres 1, 9, 8, 8 sur le clavier numérique et la porte du coffre se déverrouilla et s’ouvrit. À l’intérieur reposaient de nombreuses feuilles pliées en quatre. Martha s’empara de la première qui vint et la déplia, dévoilant un original de Charles-Gontran de la Théière-Gonthier.

    — Faiblesse est la dernière œuvre que Robert-Félicien a réalisée, peu avant son éjection de la famille, et a par conséquent été attribuée à Charles-Gontran pour le lancer. Cependant, les autres peintures n’étaient pas exploitables, car trop anciennes, donc Charles-Gontran s’est contenté de prendre tous ces originaux et d’essayer de les copier du mieux qu’il le pouvait. C’est pour ça qu’on ne devait pas regarder ce que le cambrioleur avait volé. Pour éviter qu’on l’expose comme l’imposteur doublé d’un charlatan qu’il est.

    Vendini resta bouche bée devant le raisonnement de sa complice. Les yeux écarquillés, il contemplait avec incrédulité les pièces originales de Robert-Félicien de la Théière-Gonthier.

    — Vous devriez ouvrir un blog de divination, finit-il par lâcher.

    — J’y songe, parfois. Au cas où le crime arrêterait subitement de payer.

    — Les Théière-Gonthier viennent une nouvelle fois de nous montrer que ce ne sera jamais le cas.

    — Dieu les bénisse.

    — Mais alors ça veut dire que Charles-Gontran veut que je supprime son vieil oncle. Tout s’explique.

    — Bobby a dû être payé une fortune pour s’écarter de la famille sans faire d’esclandre et garder le silence. Maintenant qu’il a brisé la règle, on nous envoie faire le ménage.

    — Bordel, je déteste être manipulé comme ça. Je dois tuer un gars, dis-moi au moins pourquoi ! Je hais tous ces détours juste pour finalement m’amener au but de base. C’est exaspérant.

    — Je ne vous le fais pas dire, affirma la voix de Bobby dans leur dos.

    Antonio et Martha firent volteface dans un sursaut. Bobby était dans l’encadrement de la porte, flanqué de ses trois fidèles gardes, Téléphone, Trémolo et Tartine, et d’une silhouette ô combien familière : Dragomira Vitsina.

     

    SOMMAIRE

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    Chapitre 7 : Baerts is burning

    Où l'on vit comme un lion.

     

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  • Commentaires

    1
    Mardi 16 Février 2016 à 17:02

    Bonne continuation monsieur !

     

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